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Le groupe de voyageurs avait emprunté le sentier courant entre les eaux étincelantes de la Rivière des Prairies et la paroi calcaire blanche veinée de noir, le long de la rive droite. Les uns à la suite des autres, ils longeaient la courbe où la roche surplombait le bord de l’eau. Devant eux, un sentier plus étroit filait en direction du gué, où l’eau s’étalait, moins profonde, et bouillonnait entre des affleurements de rochers.

La jeune femme qui ouvrait la marche s’arrêta brusquement et, les yeux écarquillés, regarda devant elle. Elle esquissa un mouvement du menton et murmura, apeurée :

— Là-bas ! Des lions !

Joharran, le chef, leva un bras pour indiquer au groupe de faire halte. Au-delà de l’endroit où le sentier se divisait, ils découvrirent des lions des cavernes au pelage marron clair paressant dans l’herbe haute. Celle-ci leur offrait un couvert si dense que les voyageurs ne les auraient pas repérés si tôt sans le regard perçant de Thetford. La femme de la Troisième Caverne avait une vue exceptionnelle. Son talent, décelé précocement, avait été encouragé par les membres de sa Caverne dès l’enfance. Elle était leur meilleure guetteuse.

À l’arrière du groupe, Ayla et Jondalar, que suivaient trois chevaux, levèrent la tête pour voir ce qui se passait.

— Je me demande pourquoi on s’est arrêtés, s’interrogea Jondalar, le front plissé.

Ayla observa le chef et ceux qui l’entouraient, puis protégea instinctivement de la main l’enfant qu’elle portait contre sa poitrine dans une souple couverture de cuir. Après sa tétée, Jonayla s’était endormie, mais elle remua en sentant les doigts de sa mère. Ayla possédait une capacité remarquable à interpréter le langage corporel, acquise dans sa jeunesse quand elle vivait avec le Clan. Elle sut que Joharran était en alerte et Thefona, effrayée.

À l’instar de Thefona, Ayla possédait une vue perçante. Elle pouvait également capter des sons inaudibles pour les autres, et son odorat était très aiguisé. Comme elle ne se comparait jamais à personne, elle ne se rendait pas compte de la qualité extraordinaire de ses facultés sensorielles. Cette acuité avait sans nul doute contribué à la maintenir en vie après qu’elle eut perdu ses parents et le monde auquel elle appartenait, à l’âge de cinq ans. Pendant des années, elle avait développé ses aptitudes naturelles grâce à son observation des animaux, les carnivores en particulier, et avait appris seule l’art de la chasse.

Dans le silence, elle distinguait le rugissement faible mais familier des lions, elle détectait leur odeur dans la brise. Soudain les félins cachés par l’herbe haute jaillirent. Ayla compta deux jeunes et trois ou quatre adultes. Se remettant à marcher, elle prit d’une main le propulseur attaché à une boucle de sa ceinture, de l’autre une sagaie dans l’étui suspendu à son dos.

— Où vas-tu ? lui demanda Jondalar.

Elle s’arrêta.

— Des lions, devant nous, fit-elle à voix basse. Juste après l’endroit où la piste bifurque.

Jondalar tendit la main vers ses armes.

— Reste ici avec Jonayla.

Ayla baissa les yeux sur son bébé endormi puis regarda de nouveau son compagnon.

— Tu sais manier le lance-sagaie, mais il y a au moins deux lionceaux et trois lions, probablement plus. S’ils croient leurs petits en danger et décident d’attaquer, tu auras besoin d’aide et tu sais que je suis meilleure que n’importe qui, toi excepté.

Il plissa de nouveau le front puis hocha la tête.

— Et les chevaux ?

— Ils ont senti les lions. Regarde-les.

Les trois bêtes, y compris Grise, la toute jeune pouliche, gardaient les yeux braqués en direction des félins.

— Ils savent rester à l’écart des lions, poursuivit Ayla. Mais où est Loup ? Je vais le siffler…

— Pas la peine, répondit Jondalar, tendant le bras. Le voilà. Il a dû sentir quelque chose lui aussi.

Ayla se retourna, vit le loup courir vers elle. C’était un animal magnifique, plus gros que la plupart de ses congénères. Une oreille coupée lors d’un combat contre d’autres loups lui donnait un air à nul autre pareil. Elle lui adressa le signal de ralliement qu’elle utilisait lorsqu’ils chassaient ensemble. Jondalar et Ayla se portèrent rapidement à l’avant du groupe, tâchant de faire le moins de bruit possible. Joharran eut un hochement de tête satisfait quand il les vit apparaître silencieusement, leur lance-sagaie à la main.

— Combien sont-ils ? s’enquit Ayla.

— Plus que je ne pensais, répondit Thefona, tentant de cacher sa peur. Quand je les ai aperçus, j’ai cru qu’ils étaient trois ou quatre, mais maintenant qu’ils se sont mis en mouvement, je pense qu’il y en a davantage. C’est une grande troupe.

— Et ils sont sûrs d’eux, ajouta Joharran.

— Comment le sais-tu ? demanda Thefona.

— Ils ne se préoccupent pas de nous.

— Ayla connaît bien les lions des cavernes, fit remarquer Jondalar. On devrait peut-être lui demander son avis.

Joharran se tourna vers la jeune femme, l’air interrogateur.

— Tu as raison, dit-elle, ils savent que nous sommes là, ils savent combien nous sommes. Nous ne leur paraissons peut-être pas plus dangereux qu’un troupeau de chevaux ou d’aurochs et ils doivent se croire capables d’isoler le plus faible d’entre nous. Ils ne sont pas d’ici.

— Qu’est-ce qui te fait croire ça ? demanda Joharran, étonné comme toujours par l’étendue du savoir d’Ayla.

— Ils ne nous connaissent pas, voilà pourquoi ils sont sûrs d’eux. Si c’était une troupe de la région, vivant près des Cavernes, nous les aurions chassés plusieurs fois et ils seraient moins confiants.

— Alors, il faut leur donner une raison de s’inquiéter, conclut Jondalar.

Joharran fronça les sourcils d’une façon qui accentua sa ressemblance avec son frère, plus jeune par l’âge mais plus grand par la taille.

— Il serait peut-être plus sage de les éviter, déclara-t-il.

— Je ne crois pas, dit Ayla en baissant les yeux.

Elle avait toujours des difficultés à contredire un homme en public, surtout un chef. Si cette attitude était tout à fait acceptable pour les Zelandonii – dont plusieurs chefs étaient des femmes, comme l’avait été un temps la mère de Jondalar et Joharran –, elle n’aurait pas été tolérée dans le Clan, où Ayla avait grandi.

— Pourquoi ? demanda Joharran.

— Ces lions se trouvent trop près du foyer de la Troisième Caverne. S’ils se sentent en sécurité, ils reviendront et finiront par prendre pour proies ceux d’entre nous qui seront à leur portée, en particulier les enfants ou les aînés. Ils seront un danger pour ceux qui vivent au Rocher des Deux Rivières et pour les Cavernes voisines, y compris la Neuvième.

Joharran regarda son frère aux cheveux blonds.

— Ta compagne a raison, et toi aussi. Le moment est peut-être venu de leur montrer qu’ils ne sont pas les bienvenus si près de nos foyers.

— Ce serait aussi l’occasion d’utiliser les lance-sagaies pour chasser à une distance plus sûre, souligna Jondalar. Plusieurs d’entre nous s’y sont exercés.

C’était une des raisons pour lesquelles il avait voulu revenir auprès des siens : leur montrer l’arme qu’il avait mise au point.

— Nous n’aurons peut-être pas à en tuer un, ajouta-t-il. Il suffira d’en blesser deux ou trois pour leur apprendre à se tenir à l’écart.

— Jondalar… commença Ayla.

Elle était maintenant capable d’exprimer un avis différent du sien, ou tout au moins de lui soumettre un argument à considérer. Elle n’avait pas peur de lui dire ce qu’elle pensait, mais elle voulait le faire avec respect.

— Un lance-sagaie est une très bonne arme, convint-elle. Il permet de lancer d’une distance moins dangereuse qu’à la main. Mais « plus sûr », ce n’est pas « tout à fait sûr ». Un animal blessé est imprévisible. Quand il a la force et la rapidité d’un lion des cavernes, la douleur le rend capable de tout. Si tu décides d’utiliser ces armes contre ces lions, ce ne doit pas être pour blesser mais pour tuer.

— Elle a raison, approuva Joharran.

— C’est vrai, admit Jondalar avec un sourire penaud. Mais, si redoutables que soient les lions des cavernes, je répugne toujours à en abattre un quand je n’y suis pas contraint. Ils sont splendides, agiles et gracieux dans leurs mouvements. Ils n’ont pas grand-chose à craindre. Leur force leur donne confiance.

Il regarda sa compagne avec fierté et amour.

— J’ai toujours pensé que le Lion des Cavernes était un totem parfait pour toi.

Gêné de révéler des sentiments aussi profonds, il s’empourpra.

— Je pense quand même que c’est le moment d’utiliser les lance-sagaies, conclut-il.

Joharran remarqua que la plupart des membres du groupe s’étaient rapprochés.

— Combien d’entre nous sont capables de s’en servir ? demanda-t-il à son frère.

— Eh bien, il y a toi, moi, et Ayla, bien sûr. Rushemar s’est beaucoup exercé et il devient habile. Solaban a passé plus de temps à faire des manches d’ivoire pour nos outils, mais il en connaît les rudiments.

— J’ai essayé deux ou trois fois, dit Thefona. Je ne suis pas très douée, mais je sais lancer à la main.

— Merci de me le rappeler, répondit Joharran. C’est vrai que tout le monde ou presque est capable de jeter une sagaie, y compris les femmes.

Il s’adressa ensuite à tout le groupe :

— Que ceux qui veulent chasser ces lions d’ici, avec ou sans lance-sagaie, se préparent.

Ayla entreprit de détacher la couverture dans laquelle elle portait son bébé.

— Folara, tu veux bien garder Jonayla pour moi ? demanda-t-elle à la jeune sœur de Jondalar. À moins que tu ne préfères chasser les lions…

— J’ai participé à des battues mais je n’ai jamais été bonne avec une sagaie et je ne fais pas beaucoup mieux avec un lanceur. Je m’occuperai de Jonayla.

L’enfant était à présent réveillée et elle sourit à sa tante quand celle-ci lui tendit les bras.

— Je l’aiderai, dit Proleva.

La compagne de Joharran avait elle aussi un bébé, plus âgé de quelques jours que Jonayla, ainsi qu’un garçon remuant qui comptait six années.

— Il vaudrait mieux mettre tous les enfants à l’abri, suggéra Proleva. Peut-être derrière le rocher en saillie, ou là-haut dans la Troisième Caverne.

— Excellente idée, estima Joharran. Les chasseurs restent ici, les autres retournent à la caverne, mais sans précipitation. Pas de mouvements brusques. Il faut faire croire aux lions que nous ne faisons que passer, comme un troupeau d’aurochs. Une fois que nous nous serons séparés, nul ne devra s’écarter de son groupe. Les lions en profiteraient pour s’attaquer à toute personne seule.

Ayla ramena son regard sur les chasseurs à quatre pattes, les observa et nota quelques traits distinctifs qui l’aidèrent à les recenser. Elle vit une puissante femelle se retourner tranquillement… Un mâle, se corrigea-t-elle quand elle remarqua ses parties génitales. Un instant, elle avait oublié que les mâles de cette région n’avaient pas de crinière. Les lions des cavernes de sa vallée, à l’est – notamment un dont elle se souvenait particulièrement –, avaient des crins clairsemés autour de la tête et du cou. C’est une troupe nombreuse, pensa-t-elle, plus de deux fois les doigts des deux mains, peut-être trois en comptant les jeunes.

Sous ses yeux, le lion fit quelques pas à découvert puis disparut de nouveau dans l’herbe haute.

Si les dents et les os des lions des cavernes – retrouvés plus tard dans les grottes qui leur servirent de tanières – avaient la même forme que ceux de leurs descendants, qui parcourraient un jour les terres d’un continent situé loin au sud, leur taille était une fois et demie plus grande et, pour certains, deux fois. En hiver, ils se couvraient d’un épais pelage presque blanc, camouflage idéal sur fond de neige pour des prédateurs chassant en toute saison. Leur pelage d’été, quoique toujours clair, tirait sur le beige et, aux saisons intermédiaires, leur robe prenait un aspect tacheté entre deux mues.

Ayla regarda les femmes et les enfants se détacher des chasseurs et repartir en direction de la falaise, escortés de jeunes gens armés de sagaies, sur ordre de Joharran. Remarquant la nervosité des chevaux, elle appela Loup tout en se dirigeant vers les bêtes pour les calmer.

Whinney parut apaisée à leur vue. La jument n’avait pas peur de Loup, qu’elle avait aidé à élever alors qu’il n’était qu’une petite boule de poils. Pour le moment, Ayla voulait que les chevaux accompagnent les femmes et les enfants. Si elle disposait de nombreux mots et de signes pour se faire obéir des équidés, elle ne savait pas comment demander à Whinney de rejoindre les autres et non de la suivre.

Rapide, qui semblait très agité, hennit à son approche. Elle salua l’étalon brun d’un mot affectueux, tapota et gratta le dos de la pouliche grise puis entoura de ses bras le cou de la jument louvette qui avait été sa seule amie pendant les années de solitude après son départ du Clan.

Whinney pressa sa tête contre l’épaule d’Ayla. Celle-ci lui parla dans le mélange de signes, de mots du Clan et de cris d’animaux qu’elle avait créé spécifiquement pour Whinney, jeune pouliche à l’époque, avant que Jondalar lui apprenne sa langue. Elle lui intima l’ordre d’accompagner Folara et Proleva. Que la bête eût compris ou qu’elle sentît simplement que ce serait moins dangereux pour elle et Grise, elle prit le chemin de la falaise avec les autres mères quand Ayla lui indiqua cette direction.

Rapide se montra encore plus nerveux après le départ de la jument. Quoique adulte, le jeune étalon avait l’habitude de suivre sa mère, en particulier quand Ayla et Jondalar chevauchaient ensemble. Il n’en fit rien cette fois, secouant sa crinière avec un hennissement. Jondalar l’entendit, se dirigea vers lui. Le jeune cheval se cabra à son approche. Jondalar se demanda si Rapide, qui avait maintenant deux femelles dans sa petite « troupe », ne commençait pas à manifester un instinct protecteur d’étalon. Il lui parla, le caressa, le flatta pour le calmer puis lui ordonna d’accompagner Whinney en lui donnant une tape sur la croupe. Cela suffit pour le lancer dans la bonne direction.

Ayla et Jondalar retournèrent auprès des chasseurs. Joharran et ses deux conseillers, ses amis Solaban et Rushemar, se tenaient au centre du groupe restant.

— Nous avons discuté de la meilleure tactique à adopter, expliqua Joharran. Faut-il essayer de les cerner ou les pousser dans une certaine direction ? Je sais chasser pour la viande : cerf, bison, aurochs ou même mammouth. Avec l’aide d’autres Zelandonii, j’ai tué un ou deux lions parce qu’ils rôdaient trop près de notre camp, mais je ne suis pas un chasseur de ces animaux, encore moins de toute une troupe.

— Demandons à Ayla son avis, proposa Thefona.

La plupart d’entre eux avaient entendu parler du lionceau blessé qu’elle avait recueilli et élevé jusqu’à l’âge adulte. Et qui lui obéissait au doigt et à l’œil, comme Loup.

— Qu’en penses-tu, Ayla ? dit Joharran.

— Vous voyez comme ils nous regardent ? De la même façon que nous : avec des yeux de chasseurs. Cela risque de les surprendre d’être des proies, pour une fois.

Après une pause, Ayla poursuivit :

— Nous devons rester groupés et marcher vers eux en criant pour les faire reculer. Tout en restant prêts à lancer nos sagaies s’ils font mine de nous attaquer.

— Les approcher de front ? s’étonna Rushemar, les sourcils froncés.

— Ça pourrait se révéler la bonne méthode, jugea Solaban. Et en restant groupés, nous nous protégeons les uns les autres.

— Le plan me paraît bon, déclara Joharran.

— J’avancerai en tête, dit Jondalar en montrant son propulseur. Avec ça, je peux lancer une sagaie vite et loin.

— Je n’en doute pas, mais il vaut mieux attendre que nous soyons tous assez près pour les atteindre.

— D’accord. Ayla me servira de soutien en cas d’imprévu.

— Bonne idée, acquiesça Joharran. Ceux qui lanceront en premier auront tous un soutien au cas où ils manqueraient leur cible et où les lions nous attaqueraient au lieu de fuir. À chaque paire de décider qui attaquera en premier. Il y aurait moins de confusion si tous attendaient un signal pour lancer ensemble.

— Quel genre de signal ? demanda Rushemar.

Joharran réfléchit.

— Nous regarderons Jondalar, dit-il enfin. Quand il lancera sa sagaie, ce sera le signal.

— Je serai ton soutien, si tu veux, proposa Rushemar à Joharran.

Le chef accepta d’un hochement de tête.

— Qui sera le mien ? demanda Morizan. Je ne sais pas si je suis capable de manier correctement un lance-sagaie, mais je me suis exercé.

Ayla se rappela qu’il était le fils de la compagne de Manvelar.

— Moi, répondit une voix de femme. Je suis entraînée.

Ayla se retourna, reconnut Galeya, l’amie aux cheveux roux de Folara. Jondalar la regarda, lui aussi. Bonne façon de devenir proche du fils de la compagne de l’Homme Qui Commande, pensa-t-il. Il jeta un coup d’œil à Ayla – avait-elle pensé la même chose ?

— Je peux être le soutien de Thefona si elle est d’accord, suggéra Solaban. Moi non plus je ne me servirai pas d’un lanceur.

La jeune femme sourit, contente d’être associée à un chasseur mûr et chevronné.

— Moi, j’ai pratiqué le lance-sagaie, dit Palidar.

C’était un ami de Tivonan, l’apprenti de Willamar, le Maître du Troc.

— Nous pouvons faire équipe, mais je lance seulement à la main, répondit Tivonan.

— Je ne suis pas si bon que cela, tempéra Palidar.

Ayla sourit aux deux jeunes gens. Tivonan deviendrait probablement le prochain Maître du Troc de la Neuvième Caverne. Palidar était revenu avec Tivonan après une brève visite que ce dernier avait faite à sa Caverne pour une mission de troc. C’était Palidar qui avait découvert l’endroit où Loup avait livré son terrible combat. Il y avait conduit Ayla. Elle le considérait comme un ami.

— Je n’ai pas vraiment essayé le lanceur, mais je sais manier une sagaie, déclara Mejera.

C’était l’acolyte de la Zelandoni de la Troisième Caverne. Ayla se rappela que la jeune femme se trouvait avec eux la première fois qu’elle avait pénétré dans la Profonde des Rochers de la Fontaine pour chercher la force de vie du jeune frère de Jondalar et tenté d’aider son élan à trouver le Monde des Esprits.

— Tous les autres se sont déjà associés, il ne reste que nous deux, lui répondit Jalodan. Je n’ai aucune idée du maniement de l’arme de Jondalar.

Cousin de Morizan, fils de la sœur de Manvelar, Jalodan était en visite à la Troisième Caverne et avait l’intention d’accompagner ses membres à la Réunion d’Été pour retrouver ceux de sa propre Caverne.

Voilà. Douze hommes et femmes allaient chasser un nombre égal de lions, des animaux féroces, plus forts et plus rapides qu’eux. Ayla commença à douter. Comment douze êtres humains si frêles pouvaient-ils songer à attaquer une troupe de lions ? Du coin de l’œil, elle vit un autre carnivore, qu’elle connaissait bien, celui-là, et lui fit signe de rester auprès d’elle. Douze humains et un loup, pensa-t-elle.

— Allons-y, dit Joharran.

Les douze chasseurs de la Troisième et de la Neuvième Caverne des Zelandonii se mirent à avancer d’un même pas vers les énormes bêtes. Ils étaient armés de sagaies terminées par des pointes de silex, d’os ou d’ivoire. Ceux qui étaient équipés de propulseurs permettant de lancer plus loin, avec plus de force et de vitesse, allaient avoir l’occasion d’éprouver la nouvelle arme de Jondalar mais aussi leur propre courage.

— Allez-vous-en ! cria Ayla aux lions quand le groupe s’ébranla. Nous ne voulons pas de vous ici !

D’autres reprirent l’injonction, lui ajoutèrent des variantes, hurlant en direction des félins pour les faire fuir.

Les fauves, jeunes et adultes, se contentèrent d’abord de les regarder approcher. Puis plusieurs d’entre eux retournèrent dans l’herbe haute qui les cachait si bien, avant d’en ressortir, comme indécis sur la conduite à tenir. Ceux qui s’étaient repliés avec les lionceaux réapparurent sans eux.

— Ils se demandent qui nous sommes, remarqua Thefona qui se tenait au milieu des chasseurs.

Ceux-ci prirent de l’assurance mais lorsque le grand mâle grogna soudain dans leur direction ils sursautèrent et tous s’immobilisèrent.

— Ce n’est pas le moment d’arrêter, leur enjoignit Joharran.

Ils repartirent, d’abord en ordre dispersé, puis se regroupèrent en marchant. Les lions hésitaient, quelques-uns leur tournèrent le dos et disparurent dans l’herbe, mais le grand mâle grogna de nouveau, fit face aux intrus et rugit. Plusieurs de ses congénères se postèrent derrière lui. Ayla sentait l’odeur de la peur des chasseurs humains et était certaine que les lions la sentaient également. Elle avait peur, elle aussi, mais elle savait que la frayeur peut être maîtrisée.

— Préparons-nous, dit Jondalar. Ce mâle semble hargneux et il a des renforts.

— Tu peux l’atteindre d’ici ? lui demanda Ayla.

— Sans doute, mais je préfère m’approcher, pour plus de sûreté.

— Moi, je ne suis pas certain de le toucher à cette distance, avoua Joharran. Avançons encore.

Les chasseurs continuaient à émettre des cris. Ayla remarqua néanmoins que leurs vociférations se faisaient moins assurées à mesure que le danger se rapprochait. Les lions des cavernes, à présent immobiles, regardaient avancer la troupe de ces êtres étranges qui ne se comportaient pas en proies.

Soudain, le grand mâle poussa un rugissement assourdissant et se mit à courir dans leur direction. Lorsqu’il fut sur le point de bondir, Jondalar lança sa sagaie.

Ayla surveillait la femelle qui se tenait à droite du lion avant qu’il s’élance. Quand Jondalar jeta sa sagaie, la lionne se mit à courir vers eux à son tour.

Ayla recula, visa. L’arrière du propulseur s’éleva quand elle ramena le bras en avant, d’un mouvement quasi automatique. Elle n’avait pas besoin d’y penser. Jondalar et elle avaient si souvent utilisé cette arme pendant leur long voyage de retour chez les Zelandonii que c’était devenu un geste naturel.

La sagaie d’Ayla atteignit la lionne en plein saut. Le projectile se planta dans sa gorge. Le sang jaillit avec force et la bête s’effondra.

Ayla prit aussitôt une autre sagaie dans son étui, la plaça sur le propulseur et regarda autour d’elle. Elle vit la sagaie de Joharran fendre l’air, suivie d’une autre. Rushemar avait le bras tendu devant lui, dans la posture d’un homme qui vient de lancer. Une deuxième lionne s’écroula, touchée deux fois. Quand une troisième attaqua, Ayla projeta sa sagaie en avant et s’aperçut qu’un autre chasseur avait fait de même juste avant elle.

Elle posa un nouveau projectile sur le propulseur, s’assura qu’il était bien en place : la hampe dans la rainure, le crochet de l’arrière du propulseur dans le trou à l’extrémité de la sagaie opposée à la pointe.

Le grand mâle remuait encore, il saignait abondamment. La femelle ne bougeait plus.

Les autres lions se dispersèrent dans l’herbe, l’un d’eux au moins laissant derrière lui une traînée de sang. Les chasseurs humains se regardèrent et ébauchèrent un sourire.

— Je crois que nous avons gagné, dit Palidar.

À peine avait-il prononcé ces mots qu’Ayla entendit le grondement menaçant de Loup. En quelques bonds, l’animal s’éloigna des chasseurs, Ayla sur ses talons. Le grand lion s’était relevé. Avec un rugissement, il sauta.

Au moment où Loup se jetait sur lui, Ayla lança sa sagaie de toutes ses forces. Un autre chasseur l’imita. Les deux traits atteignirent leur cible, le lion et le loup s’écroulèrent ensemble, couverts de sang. Ayla tressaillit. Se pouvait-il que Loup soit mortellement atteint ?

Le Pays Des Grottes Sacrées
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